Sommeil au travail : les conseils de notre spécialiste

Entretien avec Patrick Lesage, auteur du livre ‘2h chrono pour mieux dormir et gagner en énergie’ (édition Dunod mai 2018) et intervenant pour Les Ateliers Durables. Propos recueillis par Benjamin Combes.

 

Bonjour Patrick, quels sont les principaux troubles du sommeil et de la vigilance que vous constatez quand vous intervenez en entreprise ?

Les manifestations dans le quotidien du fonctionnement de l’entreprise sont nombreuses : absentéisme (1), accidents du travail (y compris routiers), problèmes relationnels au sein des entités, baisses de productivité, erreurs dues à des problèmes d’inattention ou de manque de concentration…

Quant aux sources, elles sont soit pathologiques – je pense notamment aux syndromes d’apnées du sommeil – et doivent être prises en charge par le corps médical, soit de type comportemental et là c’est de la responsabilité de l’individu car lui seul peut y remédier en mettant en place une ‘écologie du sommeil’. Nos interventions visent justement à transmettre les connaissances et les pratiques actuelles issues de cette écologie du sommeil, afin que chacun puisse retrouver un sommeil récupérateur et ce par des attitudes et comportements faciles à mettre en oeuvre.

 

Quels sont les principaux conseils que vous apportez aux salariés ?

Patrick Lesage, spécialiste du sommeil

Comme dans de nombreuses situations de la vie, le bon sens prime. Par exemple nous avons tous une horloge biologique qui nous est propre. C’est elle qui régule notamment notre sommeil et notre réveil. C’est donc elle qui nous pilote et, lorsque nous cherchons à la modifier, nous en perturbons le fonctionnement. Comme lors du changement d’heure, d’un voyage aérien ou lorsque l’on travaille en équipe alternée, notre horloge biologique est perturbée et il faut parfois quelques jours pour s’en remettre : d’où la nécessité d’adopter des rythmes de vie réguliers.

Les recommandations sont très nombreuses et faciles à mettre en place… encore faut-il le vouloir ! L’alimentation (celle du soir bien sûr mais on néglige trop souvent la composition du petit déjeuner), les siestes (celle de 10 à 15 minutes que chacun devrait pouvoir faire, y compris sur son lieu de travail), l’exposition le soir à la lumière bleue (ordinateur, tablette, smartphone…).

En atelier, nous mettons aussi beaucoup l’accent sur la respiration, comme facilitateur de relaxation et de transition vers le sommeil. Nous pratiquons différents exercices comme autour de la cohérence cardiaque, qui ouvrent les participants sur des solutions du quotidien.

 

D’un point de vue organisationnel, l’entreprise a-t-elle aussi les moyens d’agir ?

Je dirais que l’idéal serait de pouvoir proposer des horaires de travail en fonction de la typologie circadienne de chacun, c’est à dire adaptés au fait que l’on soit plutôt du soir ou du matin.

Une autre disposition, cette fois très facile à mettre en œuvre, est la possibilité de faire une sieste sur son lieu de travail. Cette sieste est bien sur concevable en journée mais aussi voire surtout pour les travailleurs de nuit. En quelques minutes il est possible de restaurer sa vigilance et de retrouver une forme physique et mentale qui permet d’être plus performant. C’est donc un dispositif gagnant/gagnant.

Des espaces de détente et de relaxation dans les entreprises sont un début mais ne suffisent pas. Si les managers ne sont pas convaincus de l’utilité, les équipes n’oseront pas profiter de ces espaces de ressourcement. Il faut donc défendre un projet global de promotion de la santé en entreprise, sensibiliser, combattre les préjugés.

 

Vous intervenez également souvent sur la gestion des situations stressantes. Quels liens faites-vous entre les deux problématiques ?

Ces deux thèmes d’intervention sont extrêmement liés car chacun conçoit que, lorsque la nuit pas été suffisamment récupératrice, on a des difficultés de concentration, notre stabilité émotionnelle est défectueuse, la concentration déficitaire… des phénomènes qui se répercutent sur la qualité et la quantité de travail. Ces désordres impactent donc l’organisation des taches, se traduisent par de mauvais résultats… qui vont eux mêmes générer du stress. Et lorsque l’on est stressé il est souvent difficile d’avoir une nuit réparatrice… La boucle est bouclée et peut même aboutir pour certains à un véritable épuisement professionnel.

Il faut donc mener des actions de prévention autour de plusieurs axes. Au-delà des conseils sur l’hygiène de vie et des pratiques de relaxation, il faut en plus, dans le cas du stress, mettre l’accent sur la transformation de nos habitudes de pensée : repérer et modifier les pensées automatiques, les manières qu’on a de distordre la réalité, porter un autre regard sur notre vie et nos actions…

Il y a donc aussi une part d’intimité et d’émotions qui est livrée dans ces échanges avec les salariés. C’est pour moi la partie la plus intéressante de ce métier.

(1) : Un salarié insomniaque est en moyenne absent 3,4 jours de plus par an qu’un bon dormeur. (étude INSERM 2006)

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